Je ne pouvais décemment pas abandonner Foenkinos comme ça, après avoir adoré La Délicatesse et follement apprécié son sens de l’humour, son honnêteté et le charme qui se dégage de ses livres. Voilà donc mon avis, presque aussi élogieux, sur Nos Séparations.
Toutes les adolescentes aiment un livre qui mêlent magnifiquement les deux thèmes de l’amour et de l’humour (d’après un constat personnel réalisé aux rencontres Goncourt des Lycéens le 11 Décembre 2009). Je ne fais pas exception à la règle, et je suis même peut-être un peu plus enjouée que certaines…
Encore un livre à conseiller aux suédois
Nos Séparations est donc l’histoire d’Alice et Fritz, mais aussi celle de Fritz et Iris et d’Alice et de son mari, de Fritz et Céline, de Paul et Virginie, des parents de Fritz et de Roman et Caroline. Une multitude d’histoire de couples, mais pas toutes d’amour. On hésite même chez les deux protagonistes de l’histoire, Alice et Fritz, à parler d’histoire de couple : ce sont leurs séparations qui sont évoqués dans ce livre, et elles sont parfois tristes et longues, ces séparations.
Ce livre est romantique, sans aucun doute : nous passons par tous les clichés, le coup de foudre, la demande en mariage, la maîtresse qui finit par dénoncer son amant au moment de la séparation, la femme pour oublier l’autre, les engueulades et la réconciliation.
Et pourtant, ce n’est pas un roman à l’eau de rose classique. Les clichés sont là, mais ils sont abordés avec désinvolture. Mieux, David Foenkinos joue avec ses clichés d’une manière grandiose et efficace : il nous passionne pour l’histoire banale d’un couple qui s’aime à travers le portrait de la femme parfaite (« elle était ma confidente, ma maîtresse, ma femme ratée et mon amie », p192), l’invention de points communs étranges entre ses personnages, des histoires de dents entre autres, leurs multiples séparations et retrouvailles un peu clichées (« j’éprouvais la sensation de connaître parfaitement une inconnue », p182). Mais, comme il le dit lui même dès le début du roman : « nous sommes tous des clichés » (p22).
Et puis il y a aussi les clichés de David Foenkinos, originaux voire un peu farfelus, les foenkineries habituelles comme les polonais (plus qu’évoquer dans Inversion de l’Idiotie, son premier roman), les suédois (un petit air de Délicatesse qui viendra plus tard), le sens que l’on accorde aux prénoms dans un roman (même de façon discrète), les digressions (cette fois sous forme de notices biographiques et de définitions du Larousse), les notes de bas de page… Une partie du génie de Foenkinos consiste à toujours les aborder différemment tout en restant fidèles à elles : cette fois-ci encore, l’approche était originale tout en restant dans les foenkineries classiques.
Il ne faut pas dénigrer l’humour non plus. Présent, comme vous vous en doutez, dans les foenkineries, mais aussi dans l’histoire elle-même : la cuite dans le cimetière, les complications du narrateur (Fritz) de naviguer dans Paris lorsqu’il refuse de repasser dans chaque endroit qui lui rappelle sa fiancée partie, la vente de cravates à travers toute la Bretagne et l’hommage à Jim Morrisson sont ainsi des moments qui nous poussent à rire aux éclats. L’écriture elle-même aussi, ne peut être jugée que drôle et formidable : « une vraie rhapsodie des rotules » (qui me rappelle le « vous êtes la Staline de vos pieds » de La délicatesse) ou alors « je suis presque certain que le fondateur d’Ikéa devait être un Suédois dépressif (on frôle le pléonasme) » (p82) ou encore dans la description de Virginie « une bouche très R » (p117), on ne peut pas s’en empêcher, un sourire nous frôle les lèvres, même dans la plus grande tristesse. Il est donc certain que ce livre pourrait empêcher le suicide de millions de Suédois s’il leur était distribué gratuitement (les Suédois étant le peuple le plus dépressif au monde). Disons le franchement : placé dans le contexte, nous rions aux éclats.
Cependant, tout n’est pas que légèreté dans ce livre : la rupture est quand même largement évoquée et c’est plutôt un thème dur. Tout l’art de Mr. Foenkinos réside là : dire les choses compliquées avec un humour délicat. Des vérités sont dites avec toujours une petite note d’humour. Par exemple, pêle-mêle :
« il faut toujours faire entrer le grotesque chez soi » (p144),
« j’ai l’impression que la mort est un regard qui me guette en permanence » (p13),
« l’éducation, dans la plupart des cas, c’est juste un entraînement quotidien pour nous pousser à ne pas ressembler à nos parents » (p22),
« il ne faut certainement pas vivre entouré de mots pour pouvoir écrire. Pour écrire, il fallait s’éclairer des phrases » (p62),
« la dernière fois, c’est exactement comme la première fois » (p117),
« il existait tant de mots qu’il ne faudrait pas définir. » (p118), « il n’est pas rare de rater d’abord ce qu’on va réussir » (p160),
« il y a des personnes formidables qu’on rencontre au mauvais moment, et des personnes qui sont formidables parce qu’on les rencontre au bon moment » (p162) (cette phrase, je ne sais pas si Mr. Foenkinos la lance à chaque rupture avec une femme, mais il faut avouer que c’est l’excuse parfaite),
le « super-héros moderne : celui qui tente de sauver du quotidien le battement du coeur » (p177).
On peut ne pas être d’accord, mais ce sont les vérités de l’auteur ou du narrateur (j’aime et déteste ce jeu qui consiste à donner à un personnage des propos qui semblent être les vôtres et mais qui ne le sont peut-être pas) à propos de l’écriture, de l’amour, de la vie, etc. Sans être les même que les nôtres (des avis aussi tranchés ne peuvent être que différents de ceux d’une partie des lecteurs, et un lecteur n’est pas forcément d’accord avec toutes, seulement avec quelques unes puisqu’il est heureusement différent de l’auteur et possède un sens critique), elles sont du moins très belles et, encore une fois, drôles et romantiques.
A offrir à tous les déprimés de la terre (et surtout aux suédois) pour leur redonner le sourire. Pour les déprimés eux-même, achetez-le vous ! Et pour les non-déprimés, une petite cure de rire ne fait jamais de mal ! A lire !
Nos Séparations
de David Foenkinos
Gallimard
2 Octobre 2008
(format poche : Folio (=> pages citées)
Janvier 2010)
Jamais lu cet auteur qui fait frémir une partie de la blogosphère 🙂
c’est infiniment drôle et romantique 😀
L’auteur est effectivement beaucoup demandé sur la blogo… et je ne l’ai toujours pas lu ! Mais le coté romantique ne me tente pas plus que ça… pas pour tout de suite alors, ou pas celui-là !
j’ai bien l’impression qu’ils sont tous comme ça 😉
c’est plus de la littérature féminine, c’est vrai 🙂 (mais d’habitude, je n’aime pas : Foenkinos est vraiment une exception 😀 )
Je viens de mettre en ligne mon commentaire à cette adresse : http://livresdanslapoche.over-blog.fr/article-david-foenkinos-nos-separations-gallimard-paris-2008-47835882.html
Je te remercie pour cette découverte ! @ +
J’ai beaucoup aimé ce roman, même si je trouve que la délicatesse est beaucoup plus réussi! C’est un roman dans lequel on ne s’ennuie pas… J’ai ri pendant tout le long!
Foenkinos vient d’en sortir un autre, ça s’appelle Les Souvenirs et ça semble dans la même lignée que La Délicatesse : plein de douceur derrière la fantaisie de sa plume. je t’en reparlerai s’il me passe entre les mains
Je vois que tu aimes Foenkinos, même si c’est vrai que quelques semaines après… que retire-t-on encore de ces lectures? Je crois que je vais me noter Les séparations pour lire après Désolations, car voilà encore un livre qui n’a pas l’air d’être réjouissant…
Bien trouvé, les Foenkineries! 🙂
je vais bientôt lire Désolations. c’est bien ? aussi bien que Sukkwan Island ? pas trop répétitif par rapport à celui-ci (si tu l’as lu, of course !) ?
Foenkinos, c’est le remède idéal a un état dépressif (induit par un livre ou pas) ^^
Je n’ai pas lu le premier David Vann, mis je suis complètement prise par Désolations. J’ai commencé hier et, à la faveur d’une insomnie, en suis déjà à la page 200 et des brouettes. J’aime beaucoup, c’est assez torturé pour moi! 😉
ok, merci 🙂
ça a l’air de beaucoup ressembler au premier en fait, c’est la seule raison pour laquelle je m’inquiète. je verrai bien. on en reparle après ?
Avec grand plaisir! 😉
Je viens de le lire avec beaucoup de plaisir! Un livre plein de finesse et d’humour sur les sentiments amoureux…
une lecture agréable de mon côté également
Les critiques littéraires qui ne savent pas écrire en français (Je ne pouvais décemment pas abandonné Foenkinos….) devraient être autorisés à faire un autre métier.
je ne suis pas une critique littéraire, et excusez mes erreurs orthographiques : malgré ce défaut, je ne peux m’empêcher de parler des livres que j’aime.
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Un beau roman, avec un art consommé de la formule qui paraît superficielle mais qui, en fait, fait mouche. Et j’ai aussi trouvé là un beau portrait d’homme d’aujourd’hui.