L’énigme du retour de Dany Lafferière

Deuil et exil sous la plume de Dany Lafferière

Dany Lafferière ne dit écrire que sur lui-même, et c’est encore une fois ce qu’il fait avec L’énigme du retour. Ici, il raconte son retour au pays natal (Haïti) pour annoncer à sa mère la mort de son père, qui était lui-même en exil aux Etats-Unis depuis des décennies. Les émotions submergent l’auteur face au décès de ce père qu’il n’a pas connu et avec qui pourtant il partageait l’expérience de l’exil et face à ce retour. Est-il encore haïtien après toute ces années ? Il n’appartient plus à cette misère du peuple haïtien et ne connaît plus ce danger de vivre dans les rues de Port-au-Prince. Pire, il vit à l’hôtel, comme un étranger de passage. Mais il n’a pas plus le sentiment d’appartenir au Canada, son pays d’accueil. Il est presque un apatride.

Sous sa plume, nous plongeons au coeur de ses émotions et de ses réflexions face à l’expérience qu’il vit et qu’il partage. Il nous parle de la situation à Haïti, de son neveu qui veut devenir écrivain, de son propre travail d’écriture et de ces allers-et-venues dans le pays de son enfance qu’il redécouvre, à la fois identique et différent d’avant son départ.

Son écriture est splendide. Elle oscille sans cesse entre la prose et la poésie, et elle est toujours maîtrisée et puissante. Les vers comme la prose sont libérés des codes habituels. Les mots sont chargés d’une émotion rare, le style est novateur et sensible. Pas besoin d’être exilé pour être touché.

En partant sur les traces de son père, Dany Lafferière va découvrir son pays comme il ne l’a jamais vu. C’est une longue épopée sur l’île que nous offre l’auteur à la recherche de son père disparu. De rencontres en retrouvailles, c’est finalement en lui-même que sa quête se terminera.

Pour autant, L’énigme du retour n’est pas dénué d’humour, et de nombreux sourires nous viennent quand l’auteur joue avec la facétie : « je ne crois pas pouvoir survivre à un suicide », dit-il à une personne qui a tenté deux fois de se donner la mort mais « [ne pense pas] supporter une seule journée d’exil », « pour écrire un roman, j’explique à mon neveu / avec un sourire en coin / qu’il faut surtout de bonnes fesses /car c’est un métier / comme celui de couturière / où l’on reste assis longtemps »…

Dany Lafferière n’hésite pas non plus à citer les écrivains qui marquent sa prose, en commençant par Aimé Césaire.

Dans une langue riche, belle et rare, Dany Lafferière partage une part de lui-même, de son statut d’exilé à son travail d’écrivain, en passant par sa vision d’Haïti et sa quête du père disparu. Un livre à ne pas manquer.

L’énigme du retour

de Dany Lafferière

ed Grasset

2 septembre 2009en poche au Livre de Poche

A propos Constance

Enseignante, j'aime tout autant la littérature ado / jeune adulte que la littérature contemporaine et la bande-dessinée. J'ai souvent tendance à lire des textes écrits en français, mais je fais parfois des incursions vers de la littérature anglophone ou des traductions pour les autres langues.
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2 commentaires pour L’énigme du retour de Dany Lafferière

  1. Stephie dit :

    Il gagne une place grâce à ton billet. D’autant que je me le suis fait dédicacer au salon de Paris 😉

    • constance93 dit :

      j’ai voulu me faire dédicacer mon exemplaire aussi, mais trop de monde à voir, alors je me suis dit que ça serait aux étonnants voyageurs à saint-malo en juin.
      contente qu’il gagne une place : j’ai hâte que tu le lises 🙂

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