Vous devez vous dire que mon rythme de lecture est bien ralenti en ce moment si vous suivez régulièrement mon blog. C’est en grande partie vraie, et je m’en excuse d’avance. La raison, vous vous en doutez, c’est la rentrée. Je fais avec, donc vous faites avec également : c’est dur pour tout le monde, je me demande comment la plupart d’entre vous faites pour garder le rythme.
Il y a aussi d’autres choses qui rentrent en jeu pour que ce blog soit un peu au ralenti :
a) j’ai encore le temps de lire mais je dois lire d’autres choses, des livres que je ne chronique pas sur mon blog (classiques, essais philosophiques, textes historiques…)
b) j’ai encore quelques « lectures loisirs », qui s’étalent sur la durée beaucoup plus qu’avant, mais pas forcément le temps de les chroniquer dans la foulée comme j’aime le faire. Cette chronique qui va suivre, par exemple, est celle d’une nouvelle lue il y a une semaine et demie.
Du coup voilà, je pense que mes lecteurs réguliers seront compréhensifs face à ce manque de régularité depuis quelques semaines et que tous les autres s’en moquent un peu.
Bon, allez, je rattrape mon retard, et place à la chronique :
Insomnie ?
Haruki Murakami, l’auteur de cette nouvelle, tout le monde en parle en ce moment. Sa trilogie 1Q84 est un succès international, et les deux premiers tomes parus en français comptent parmi les meilleures ventes de cette rentrée littéraire. Il faut dire que l’écrivain a déjà une certaine reconnaissance derrière lui avec son célèbre Kafka sur le rivage.
Malgré sa célébrité, je n’avais jamais pris le temps de lire cet écrivain japonais. Je n’avais pas vraiment le temps non plus de lire l’un ou l’autre de ses pavés (les récents 1Q84, 533 et 529 pages en grands formats, ou Kakfka sur le rivage, 637 pages en format poche), alors que je suis tombée dans une librairie sur ce joli livre très court et magnifiquement illustré, je me suis dit que c’était la lecture idéale pour découvrir Murakami.
Sommeil est ainsi une nouvelle de quatre-vingt dix pages écrite par Murakami et illustrée par Kat Menschik. Il y a une véritable unité entre ces dessins couleurs de nuit (noir, gris, gris argenté, blanc) et le récit : des dessins comme du texte émane une énigme, à la fois dérangeante et fascinante, et ce sont les scènes de nuit qui nous plongent le plus dans les ténèbres et l’enchantement.
Dans une écriture très fine et très sobre, Murakami nous transporte dès les premières pages dans le monde d’une femme qui ne dort plus, sans que cela ne lui pose de problème physique et mental : « Voilà dix-sept nuits que je ne dors plus » (p7, 1e phrase du récit). Au contraire, ce temps qu’elle ne perd plus à dormir est bénéfique sur son moral, sa forme physique et même sa culture, puisqu’elle passe son temps libéré à lire.
Sa redécouverte du plaisir de lire, à travers la lecture d’Anna Karénine de Tolstoï lors de sa première nuit sans sommeil, est d’ailleurs d’une beauté insaisissable. Sans la retranscrire entièrement, la fin que voici est éclairante : « … Je montais à cheval avec Vronski, sautais les obstacles, j’entendais des cris d’encouragements de la foule. J’étais au milieu des spectateurs, je voyais la chute de mes yeux. Quand le jour commença à blanchir la fenêtre, je reposais le livre, allai à la cuisine, me fis un café. Je ne pouvais plus penser à rien, à cause des scènes du roman qui me restaient dans la tête et d’une faim violente qui venait de m’assaillir. Ma conscience vivait une chose, quelque part, et mon corps une autre, ailleurs. » (p43).
Dès le début de la nouvelle, nous rencontrons une femme qui n’a pas dormi une seule minute depuis plusieurs nuits. Sa conscience de son état anormal et le récit de ses précédentes nuits sans sommeil nous plonge en tant que lecteur dans un état de perplexité et d’attente : quels seront les conséquences de cette absence de sommeil, censé être vital au corps humain ? Sa résistance et l’évolution de sa vie à partir de la fin de son sommeil et de l’existence de la fatigue est encore plus perturbant, tandis que les images nous plonge dans un univers fascinant et poétique. Les mots de Murakami, d’une grande sobriété, sonnent comme du cristal dans nos têtes, donnant toute une dimension perspicace à la conscience de notre narratrice, qui devrait pourtant tourné à la folie.
Lu rapidement, d’une seule traite, je suis ressortie charmée par l’écriture de Murakami et la force qui se dégage de ce petit récit, à la fois par les illustrations et surtout par le texte. Il y a une élégante simplicité dans les mots de Murakami et une étrangeté tout à fait normale dans son récit. Nous sommes pris dans ce récit dans lequel on ne discerne plus le rêve de la réalité. C’est finalement un art du paradoxe que l’on retrouve dans cette courte nouvelle au graphisme splendide et à l’écriture plus que convaincante. Une nouvelle qui donne forcément envie de découvrir plus avant son auteur, inutile de le préciser.
Sommeil
de Haruki Murakami
ed 10/18
25 août 2011
ed originale: 1990
trad : 2010 (Corinne Atlan)
Eh bien moi non plus, je n’ai jamais lu cet auteur ! j’y remédierai… un jour !!
« un jour » : formule utiliser couramment par les blogueuses face à tous les livres qu’ils leur restent à lire ^^
Cette nouvelle a l’air très belle aussi… je n’ai pas encore tout lu de Murakami, chouette !
🙂
j’ai découvert murakami il y a peu avec « la course au mouton sauvage », très étrange… Et comme tu le sais peut être j’ai enfilé les deux premiers tomes de 1Q84 (qui, malgré le nombre de pages que tu précises, s’engloutit et se dévore sans que l’on voit les pages se tourner!!). Kathel vient de parler de 1Q84, ça m’a donné envie de replonger dans l’univers de Murakami. J’ai Kafka sur le rivage, que je n’ai encore jamais lu, mais cette petite nouvelle dont tu parles me tente beaucoup aussi..
ça va dépendre du temps que tu auras, je pense. dans tous cas, c’est comme ça que j’ai choisi de mon côté.
et oui, j’ai lu tes deux billets où tu as l’air très convaincue par le talent de ce romancier. je compte lire 1Q84, mais quand j’aurai un peu plus de temps, peut-être quand j’aurai la trilogie entière entre les mains.
J’adore Murakami ! Il possède une écriture fascinante et un imaginaire débridé.
J’ai acheté le premier tome de sa trilogie lors de mon escale à Paris, il y a deux semaines.
J’ai très hâte de le commencer.
En ce qui a trait à ton blogue, quel que soit le rythme ou la fréquence de tes chroniques, moi, j’apprécie le contenu, la qualité de ton écriture et le ton de ton texte. Chaque texte est un cadeau !
merci richard. si jamais j’arrive à trouver 1Q84 en bibliothèque, je pense que je le lirai, mais il faut déjà que j’aille m’inscrire à la bibliothèque de st brieuc (la ville où j’étudie)
j’avais, comme beaucoup, était charmée par « Kafka sur le rivage », et j’hésite sur 1Q84, vu les pavés !
d’après ce que j’ai entendu, ils se lisent très vite…
Chère Constance
Lectrice assidue de vos billets , je me manifeste aujourd’hui pour vous témoigner toute ma sympathie quant à la qualité de vos billets et l’analyse de vos lectures , peu importe si vos posts se font rares , chacun sait que lire est une occupation dévoratrice de temps.
J’ai moi-même bien envie de découvrir Murakamami quand je vois l’engouement que suscite sa trilogie 1Q84 mais le temps me manque et je laisse la priorité à mes auteurs anglo-saxons préférés; pourtant cette nouvelle « insomnie » va je crois créer une petite digression dans mon programme de lectures anglo-saxonne 😉
Merci Constance pour ce partage et mes voeux de réussite pour cette nouvelle année étudiante
Sandrine B.
merci pour ce commentaire élogieux, votre gentillesse quant à mon rythme de lecture moins régulier et vos voeux de réussite.
je pense également que la trilogie de Murakami vaut le coup, mais de mon côté, comme vous, j’ai beaucoup d’autres lectures prioritaires, sans compter les obligations extérieures. je vais attendre leur sortie en poche, qui je l’espère coïncidera avec une période où j’aurai plus de temps pour lire. mais découvrir l’auteur avec cette nouvelle est un véritable plaisir, et je pense qu’elle peut charmer plus d’un lecteur, déjà connaisseur de Murakami ou pas. n’hésitez pas à revenir ici parler de votre lecture quand ça sera fait.
au plaisir des échanges !
* Murakami , j’en perds mon japonais !!