Douloureuse et fascinante beauté
Beau-livre publié conjointement par les éditions Barzach en Algérie et Actes Sud en France, Une Nation en exil propose l’alliance de deux artistes, un poète palestinien, Mahmoud Darwich, et un plasticien algérien, Rachid Koraïchi. La réunion n’est pas due au hasard : le poète et le plasticien étaient deux amis et Rachid Koraïchi a réalisé une série de gravures en s’inspirant des poèmes de son ami. De là est né le projet « Une nation en exil ». Le projet de ce livre était de rendre visible cette échange, cet écho entre les deux oeuvres, qui m’étaient totalement méconnues, je l’avoue.
C’est un beau travail que ce livre. Les mots répondent aux gravures, et les quelques traductions de poème s’intègrent dans l’ensemble, ne composent pas la majorité du livre. Elles donnent une vision du travail du poète, tout comme les reproductions des gravures offrent un aperçu du travail du plasticien. Les poèmes ne sont pas forcément traduits, et rien que l’écriture arabe fascine par l’énigme qu’elle représente à mes yeux, par sa finesse et sa beauté dans les traits et les formes qui se dessinent pour former des mots. La beauté qui émane de cet assemblage, que ce soit dans « Une nation en exil », soit dans « La Quasida de Beyrouth », un autre projet développé par Rachid Koraïchi sur un poème de Mahmoud Darwich.
La beauté n’est pourtant pas sans douleur dans ce livre. Le poète palestinien chante l’exil, la perte de sa terre, l’éloignement, la tristesse, la mort. Les quelques passages traduits nous remuent de part cette douleur à fleur de peau, douleur qui se retrouve dans les gravures à travers ces grands traits noirs, vifs, mystérieux mais dans lesquels j’ai surtout vu une certaine beauté violente, ardente. Les deux se répondent sans cesse : les arrière-plans des gravures ressemblent souvent à de mystérieux calligrammes en écriture arabe tandis que la brièveté des vers semble correspondre à la vivacité tranquille des reproductions.
Une nation en exil est un livre que je n’ai pas fini de feuilleter. Sa beauté verbale et visuelle, remplie de douleur, continuera de m’émouvoir à chaque fois que je le redécouvrirai. Et si nous sommes aussi touchés par ce livre, c’est peut-être parce que le poète nous dit : « Tous les coeurs d’hommes sont ma nationalité / Voilà, je vous laisse mon passeport ! » (Passeport, 1970, trad Abdellatif Laâbi) : ce poète dépossédé de sa terre dépasse les frontières pour toucher chaque homme au plus profond de lui-même.
Une nation en exil
Mahmoud Darwich et Rachid Koraïchi
ed Barzakh/Actes Sud
Mars 2010
Merci aux éditions Barzach/Actes Sud et à Libfly pour ce livre reçu dans le cadre de l’opération
Le poète est cité abondamment dans le livre que je termine (même partenariat). Billet tout bientôt !
j’irai voir, je suis curieuse 🙂
Dommage qu’il n’y ait pas d’images ! En tout cas c’est sans conteste un livre avec une belle poésie. Encore une chouette opération de la part de Libfly !
les images arriveront d’ici quelques jours.
oui, c’est un partenariat intéressant, qui nous fait découvrir des auteurs peu connus en France. de vraies découvertes
merci pour cette découverte
j’ai lancé une idée sur mon blog tous les 12 du mois jusqu’au 12 novembre prochain les blogs qui le souhaitent publient un article d’un livre d’Actes Sud en hommage à Hubert Nyssen
http://bonheurdelire.over-blog.com/article-hommage-a-hubert-nyssen-editions-actes-sud-janvier-2012-96987129-comments.html
si cela te dit, tu peux y participer
Ce poème me rappelle les années du lycée Khaznadar et plus exactement de Faculte des lettres. Bd 9 avril 1938. (Tunis).
واحسرتاه
Mohamed Taieb Chèrif
arabiclanguage@hotmail.com