Contre l’évanouissement
Alam est appelé L’Evanoui depuis son enfance qu’il a passé dans un village situé aux contreforts de Goubahar en Afghanistan. Au début surnom moqueur donné par la communauté après qu’il s’est évanoui lors de sa circoncision, le personnage devient cet être effacé et oublié du monde. Quand il est enfermé dans un centre de rétention pour jeunes en France, au début du récit, personne ne sait qui il est. Son mutisme, mais plus encore l’incompréhension des autres, empêche la connaissance. Il reçoit le nom d’Alam le jour où il réagit à celui-ci alors qu’on lui fait la liste de tous les noms commençant par A. Mais Alam n’est pas son nom. Le sien, il l’a perdu en route, sur les chemins d’Afghanistan qu’il a foulé avec sa mère, puis avec une troupe de rebelle dans laquelle il s’est fait embrigadé, dans les champs de pavots, ou peut-être dans le bateau de clandestins qui l’a amené en France. Cet enfant, manipulé par la violence du monde, ne sait plus qui il est, il a disparu alors qu’il existait à peine. Mettre les mots « traumatisme de guerre » là-dessus n’aide en rien.
A travers le récit de cet enfant-soldat, Hubert Haddad nous montre cette violence exercée sur les enfants, cette violence que nous ne voulons pas voir. Pourtant, elle est là, partout, détruisant des milliers de vie dans la guerre ou le trafic de drogues. Les images du JT nous reviennent en pleine face, plus forte et plus réelle dans la fiction que dans la réalité. Grâce à la distance abolie entre nous et l’horreur, nous la voyons autrement, avec plus de compassion, d’humanité et de lucidité . Mais l’histoire d’Alam n’est pas comme les autres. Tellement forte, presque excessive, elle semble être un condensé de milliers de destins d’enfants. La misère, la guerre, l’immigration, les ghettos, la rue : Alam subit le monde qui l’entoure, s’y immerge avant s’y noyer.
En offrant un destin à Alam l’évanoui, Hubert Haddad lutte contre l’oubli, le refus de voir la réalité de la violence humaine. Pas seulement en Afghanistan, mais aussi chez nous, dans les inhumains centres de rétention, la rue où on meurt de faim et de froid et les quartiers chauds contrôlés par les trafiquants d’armes et de drogues. Parfois, des lueurs d’humanité apparaissent, mais elle disparaissent très vite dans la nuit d’Alam. Son présent en France nous ronge tout autant que son passé en Afghanistan. L’alternance des deux moments révèle cette continuité de la violence : occultée ou exhibée, sa force détruit des hommes et des enfants. Hubert Haddad nous force à nous la rappeler à notre esprit. Contre l’évanouissement des destins brisés, ses mots reforment avec sensibilité et poésie l’histoire d’un individu parmi tant d’autres. Opium Poppy est ainsi un récit fort, en prise avec le monde tel que nous refusons de le voir.
Opium Poppy
de Hubert Haddad
ed Zulma
18 août 2011
16/21
J’ai lu ce roman et je n’ai jamais réussi à en faire un billet… C’est vrai que c’est une lecture très forte. Je relirai cet auteur.
oui, je ne suis pas convaincue de mon billet non plus. c’est assez difficile d’en parler.
je pense aussi que je relirai cet auteur. il paraît que son Palestine est très bien…
J’avais adoré Palestine, lis-le sans hésiter. Mais je suis sorti de ma lecture d’Opium Poppy un peu perplexe. C’est à la fois fort et fade. Je ne suis pas rentré dedans comme dans Palestine qui m’avait bluffé… Tu peux lire mon article, je ne me souviens pas trop de ce que j’en avais dit ^^
bon, il ne me reste plus qu’à lire Palestine, alors 😉
J’ai trouvé le thème intéressant mais mal maitrisé. J’avais l’impression que, pour toucher le lecteur le plus possible, l’auteur en faisait des tonnes et n’hésitait pas à en rajouter, un peu à la Dickens. Du coup, je me suis ennuyé. Mais je ne suis pas un sans cœur, je le jure! 😉
Voilà, c’est exactement ce que je voulais dire ^^
un peu ce même sentiment de trop plein, qui m’a laissée un peu sceptique. si tu es une sans coeur, alors moi aussi 😉
mais c’est quand même un bon roman à mes yeux, un peu excessif mais sensible tout de même
Dans le même genre avec ses qualités et ses défauts (vu que je n’ai pas adhéré à tout), il y a Douce France de Karine Tuil. Et qu’est-ce-que j’aime les couvertures Zulma, elles me font un effet bling-bling (sans la rolex, malheureusement !)
les couvertures Zulma me plaisent beaucoup aussi 🙂
Karine Tuil, je ne croche pas trop avec sa plume et son univers, alors je passe. et si tu es mitigée, encore plus !
et voilà comment me faire noter deux livres en un seul billet !
et voilà, magie de la blogosphère 😉
Rien à voir avec ton billet mais l’idéal serait que ma classe soit sélectionnée pour les 2 jours à Rennes (29 et 30 novembre), comme ça, j’aurais peut-être un peu plus de temps. Mais ça, tu le sais mieux que moi, est-ce qu’on reste tout le temps ensemble lors de ces deux journées ou il y a des moments libres (comme le soir)?
j’ai l’impression que vous êtes plus libre le soir : les élèves sont invités à aller au cinéma voir un film choisi pour eux par un des auteurs de la sélection. mais les profs ne sont pas obligés d’y aller. nous avons le temps pour voir ça, mais tiens-moi au courant dès que tu sais si tu es de la partie à Rennes ou pas. on avisera à ce moment là 😉
dans tous cas, ça serait super de se revoir !
Ton billet est tentant mais je me méfie un peu… Géométrie d’un rêve, je l’avais abandonné au milieu. Blogueuse échaudée… 😉