La Réparation, de Colombe Schneck

Une réparation inaboutie

« Je me disais c’est trop facile, tu portes des sandales dorées, tu te complais dans des histoires d’amour impossible, tu aimes les bains dans la Méditerranée et tu crois qu’une fille comme toi peut écrire sur la Shoah ? » Cette question, Colombe Schneck se la pose beaucoup dans l’écriture de son livre, et dans son texte lui-même. Une manière comme une autre de se mettre en avant en tant qu’écrivain pris de doute face à un projet ambitieux.

L’ambition est effectivement là, dans cette histoire familiale qu’elle veut reconstruire depuis qu’elle a donné le nom de la cousine de sa mère à sa fille : Salomé. Cette cousine, elle ne l’a pas connu, elle est morte dans les camps pendant la seconde guerre mondiale. La Shoah, sa famille maternelle l’a toute vécue d’une manière ou d’une autre, la fuite, le ghetto, les camps, la mort, l’héritage : ils étaient d’origine juive lituanienne. Ce qu’il en reste, ce sont les survivants, et les enfants des survivants. La question du comment vivre avec ce passé est posée à de nombreuses reprises. On sent le poids du non-dit qui a pesé entre la mère et la fille.

Le document de Colombe Schneck se situe ainsi entre le récit autobiographique dans lequel l’auteur livre ses réflexions, ses pensées, l’avancée de ses recherches, ses sentiments, etc, et une reconstruction de l’histoire familiale pour qu’enfin elle comprenne la vérité. Sa génération est prête à entendre ce qu’il y a à dire, est-elle persuadée. Pourtant, c’est de la vérité du sacrifice que les parents ont cherché à protéger les enfants. Elle veut en effet comprendre pourquoi les enfants de ses tantes ont disparu, et comment elles elles ont réussi à survivre et à refaire leur vie. Alors Colombe Schneck enquête. Elle visite sa famille de part le monde, va en Lituanie visiter le lieu de leur enfance, pour enfin nous révéler la raison qui a provoqué ce secret familial, le choix indicible qui est effectivement bouleversant. Elle ne juge pas leurs actes, mais mesure la portée de leurs gestes, et surtout le poids de la Shoah qui a conduit des familles entières à être séparées par la mort.

L’auteur aurait peut-être dû s’arrêter à cette émouvante reconstruction, car ses interrogations sur sa légitimité à écrire, sa difficulté à écrire, toutes les étapes qui mènent à la découverte de la vérité, les personnes qu’elles rencontres dont elle explique longuement le lien avec elle (le cousin du second mari de la première tante…) sans que celui-ci soit pour autant clair. La généalogie nous perd, d’autant plus que les personnes sont nombreuses : ce sont celles qui ont vécu, celles qui occupent les esprits, celles qui connaissent les secrets, celles qui les racontent… Ils perdent de leur densité au fur et à mesure qu’ils se multiplient.

D’une manière générale, l’écriture n’est pas aboutie, il y a beaucoup d’hésitations et de répétitions qui lassent. Oui, sans doute, trouver les mots pour le dire, c’est difficile, on le sait, l’auteur nous en fait l’aveu à de (trop ?) nombreuses reprises, mais la clarté aurait pu être utile à la compréhension de tous les enjeux de ce texte. En attendant, on reste confus, n’en sachant trop la finalité pour le lecteur, celle, cathartique, de l’auteur étant trop souvent mise en avant. Un questionnement sur la transmission et le poids du passé ? La maternité ? La nécessité de savoir ? Les secrets de la Shoah ? Mince, on ne sait plus et on se retrouve un peu perdu dans le livre La Réparation, de Colombe Schneck. Dommage.

La Réparation

de Colombe Schneck

ed Grasset

22 août 2012

A propos Constance

Enseignante, j'aime tout autant la littérature ado / jeune adulte que la littérature contemporaine et la bande-dessinée. J'ai souvent tendance à lire des textes écrits en français, mais je fais parfois des incursions vers de la littérature anglophone ou des traductions pour les autres langues.
Cet article a été publié dans 4 déceptions. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

7 commentaires pour La Réparation, de Colombe Schneck

  1. Gwenaëlle dit :

    Je ne suis pas du tout tentée par ce livre. Le mélange des genres qui aboutit à la dilution du récit, ça me fait fuir…

  2. Hélène dit :

    Je ne l’ai pas du tout aimé, je l’ai trouvé mal écrit et pas franchement utile !

  3. Valérie dit :

    Entre Schneck et moi, c’est la désamour total.

  4. gambadou dit :

    E bien moi j’ai bien aimé ! Je n’ai pas trouvé comme toi qu’il y avait des hésitations et j’ai trouvé sa recherche plutôt touchante.

    • constance dit :

      je pensais bien qu’il y aurait des avis divergents sur ce livre, surtout que le mien est très affirmé. dans ces cas-là, on peut se dire que ça sera la même chose pour les autres lecteurs. que ce soit en bien ou en mal, leur avis est affirmé, c’est tout bon ou tout mauvais. pour moi, c’est le dernier cas, même si j’essaye de nuancer un peu.
      recherche touchante, oui, certes, mais j’ai trouvé qu’elle voulait surtout la rendre touchante, et qu’en plus la qualité d’un ouvrage ne s’arrêtait pas à sa volonté de nous faire pleurer, et peut-être même que celle-ci et son efficacité n’avait quasiment rien à voir avec la qualité. du coup, j’ai regardé les autres aspects du roman, et je n’ai pas apprécié.

  5. anablume dit :

    Encore un beau billet. On est d’accord sur pas mal de points. J’ai trouvé dommage qu’elle n’insiste pas plus sur ses problèmes pour écrire. Je cite ton billet sur mon blog. Au plaisir de te lire…

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s