Bienvenue dans la vraie vie de Bernard Foglino

6/7

.

.

.

Virtualité boursière pour roman artificiel

Le troisième roman de Bernard Foglino, publié chez Buchet-Chastel, nous plonge dans le monde de la bourse. Dès le départ, nous sommes censé en rêver et considérer le marché comme le roi du monde, un peu comme le fait le narrateur qui travaille au Consortium, grande place boursière située à Paris.

C’est un monde à part que celui de la bourse, hors de toute maîtrise, totalement aux mains de technocrates et de génies cachés. Big Brother du monde moderne, les personnes qui y évoluent sont persuadées d’être « dans la vraie vie ». Phénomène incompréhensible quand on voit ces personnes enfermés devant des bureaux accrochés à des écrans et des téléphones pour suivre les courts, tous dans l’idée de faire grandir le marché. C’est aussi un monde impitoyable, où les erreurs ne sont pas permises et les suicides nombreux.

Franck Medrano est totalement enfermée dans cette no-life qu’il considère comme la vraie vie. Seulement, il est au bout du rouleau, à court de découvertes de nouvelles sociétés qui pourraient rapporter aux actionnaires. Son patron, O’Brien, lui met la pression pour qu’il trouve un nouveau coup. Une idée va alors germer dans l’esprit du narrateur, idée dont ses deux dernières hasardeuses rencontres, un homme nommé Smith qui ne cherche qu’à s’amuser et Marlène, une jeune femme à la dérive dans le monde réel, altruiste et sans aucune expérience du monde de la bourse vont être partis prenantes…

Au final, ce roman n’est fait que de manipulation, de manœuvres boursières, de mensonges et d’incommutabilité avec le monde réel. Le monde de la bourse semble le diriger, et pourtant ce monde là n’est qu’artificiel, construit sur du vide et en même temps en pleine croissance folle et inexplicable.

Malgré le rythme rapide du récit (aussi rapide et vif que la bourse, où tout se calcule en millième de seconde), ce roman n’est pas aussi accrocheur qu’il ne le semble. L’intrigue promise dans le résumé est longue à démarrer, elle ne commence véritablement qu’après la centième pages. Conséquence : nous lisons pendant plus d’un tiers du livre un développement de ce qui nous est dit en 4e de couverture. Cette partie, intitulée sobrement « pré-ouverture », est simplement une mise en place de ce qui va permettre au plan de Franck Medrano d’exister. Plan qui s’applique dans la deuxième partie « séance » et dont on observe les conséquences dans la troisième partie « dépouillement », dernières dizaines de pages déconstruites chronologiquement pour maintenir un certain mystère imagine-t-on : les scènes s’enchaînent entre les conséquences à long terme et la fin du plan de Franck pour ne former une cohérence qu’à la fin. Une construction assez simpliste, c’est presque un court d’histoire « causes-évènement-conséquences ». D’ailleurs, c’est bien de la teneur d’un évènement historique qu’invente Bernard Foglino à travers son personnage de Franck Medrano : un krach boursier légendaire se met en place dans son esprit. Reste à le réaliser.

Nous découvrons ainsi le monde de la bourse, enfermé dans ses artifices et sa folie, toujours au bord du gouffre mais toujours en train de s’agrandir. Bernard Foglino réalise ici une dénonciation en règle par l’intermédiaire de la fiction. Dommage que l’intrigue ne tienne pas debout et que l’on ait du mal à croire en une bourse toute puissante. Quand le monde réel apparaît en effet, par l’intermédiaire de Marlène, celui-ci semble en effet soumis à la bourse, totalement dépendant d’elle et dirigé par elle. Bernard Foglino oublie peut-être que d’autres choses que le marché et la manipulation financière existent autour de nous, et que le monde réel se passe bien d’oublier le monde virtuel de la bourse, sauf quand celui-ci le pousse au bord du désastre… Tout cela au détriment du lecteur, découvrant un monde virtuel abstrait par l’intermédiaire d’un roman artificiel d’un bout à l’autre (personnages, construction, écriture) : dommage.

Bienvenue dans la vraie vie

de Bernard Foglino

ed Buchet Chastel

à paraître

.

lu en juin

Merci à Libfly, Furet du Nord et Buchet-Chastel pour l’envoi de ce livre

dans le cadre de l’opération « Avant-première de la rentrée littéraire »

A propos Constance

Enseignante, j'aime tout autant la littérature ado / jeune adulte que la littérature contemporaine et la bande-dessinée. J'ai souvent tendance à lire des textes écrits en français, mais je fais parfois des incursions vers de la littérature anglophone ou des traductions pour les autres langues.
Cet article, publié dans 4 déceptions, est tagué , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

5 commentaires pour Bienvenue dans la vraie vie de Bernard Foglino

  1. Lutreau dit :

    Ma chère Constance,
    La littérature ne s’improvise pas en effet, elle supporte mal la médiocrité. Hélas pour toi, la critique litteraire non plus. Et ce n’ est pas en enfilant des poncifs mal digérés (la « vraie vie ») que tu pourras t’ en approcher. Je vais mettre cela sur le compte de ton jeune âge, et te souhaite de relire ce livre ainsi que les autres bouquins de Foglino ( en particulier, le « Théatre des rêves ») tranquillement, afin de te forger une véritable opinion sur la littérature française contemporaine.
    Bien à toi,

    Vincent

  2. constance93 dit :

    la littérature française contemporaine ne se réduit pas à un seul auteur, bien heureusement. le panel d’écrivains est même très large, même en ne prenant que ce qui va paraître en cette rentrée littéraire, environ 400 signés par des écrivains français (même si je m’attache plus pour ma part au nombre 650, qui inclut les parutions étrangères : pourquoi faudrait-il plus s’intéresser aux parutions françaises ?).

    quant à mon jeune âge, il influence sans aucun doute ma manière de lire, et je ne renie pas que je puisse passer à côté de certains éléments importants d’un roman. cela dit, chaque lecteur construit ses lectures comme il le souhaite et se fait son propre avis. ne pas avoir le même que vous et de quelques autres érudits pompeux discréditerait donc mon avis, ne lui donnerait aucune estime et m’interdirait presque de lire avant d’atteindre un hypothétique âge mûr (parce que je ne suis pas sûre que vous l’ayez atteint, pour me répondre avec une telle sécheresse, comme si je vous blessais dans votre estime pour ne pas avoir eu le même avis que vous) ?

    ma découverte totalement hasardeuse de Bernard Foglino à travers ce roman ne m’a pas convaincu. du fait de mon jeune âge ? peut-être, peut-être pas (j’aurai des choses à dire là-dessus, mais je ne veux pas perdre trop de temps à répondre à votre commentaire hautain), mais c’est ma liberté de construire un avis personnel sur ce roman, et de le partager si je le veux, de la manière dont je veux. Mes « poncifs mal digérés » sur la « vraie vie » seront sans doute pour la plupart détruit par la réalité, mais laisser moi me forger ma vision du monde par moi-même. la réalité me rattrapera bien assez tôt, si elle doit me rattraper. en attendant, je pense que je peux me passer de vos critiques.

    quant à mon rythme de lecture, il n’est pas trop rapide, comme vous semblez l’insinuer. je ne suis jamais pressée de finir un livre, sauf quand il traîne énormément en longueur, ce qui peut arriver de temps à autre. si cela peut un tant soit peu vous consolez, cela n’a pas été le cas avec Bienvenue dans la vraie vie.

    Une dernière chose cependant : publier une chronique sur mon blog en toute modestie n’est pas m’édifier en critique littéraire, ce que je sais ne pas être. votre commentaire par contre semble signifier une grande confiance en vous, ce que je félicite, mais peut-être pourriez vous parfois remettre votre avis en question et acceptez que d’autres voient les choses différemment plutôt que de les accusés d’immaturité (puisque c’est le reproche que vous m’avez trouvé), d’imbécilité ou autres tares que bien sûr vous ne possédez pas. de mon côté, je préfère ne pas juger l’avis des autres, et par là respecte tout le bien que vous pensez de Bernard Foglino.

    PS : rappelez-vous qu’on ne parle que d’un livre…

  3. Ping : Délivrer Des Livres » Challenge 1% Rentrée Littéraire 2011

  4. Ping : Délivrer Des Livres » Challenge 1% Rentrée Littéraire 2011 – Les participants et les titres

  5. Ping : Délivrer Des Livres » Challenge 1% Rentrée Littéraire 2011 (Article 3)

Laisser un commentaire