Alberg de Jacques Tallote

Alberg

de Jacques Tallote

éditions de la Table Ronde

5 Janvier 2009

Décalage

Alberg, c’est l’histoire d’un homme un peu dans son monde, un temps écrivain, un autre petit parisien qui vit le divorce tardif de ses parents, la lassitude de la ville, la quête de soi. Il s’appelle Thomas et quand son père lui offre une maison en campagne mystérieusement abandonné par le précédent locataire, l’argentin Alberg, il saisit cette chance de s’échapper de la ville et de lui-même, surtout quand il découvre les carnets de cet homme et qu’il s’y immerge. Tout ça est un  peu déstructuré, mais sonne vrai.

C’est aussi l’histoire, ou plutôt le mystère, de la disparition de cet algérien. Tout le monde s’accorde pour dire qu’il est reparti en Argentine, mais aux yeux de Thomas, l’explication est trop « normale ». En effet, les carnets relèvent de l’anormalité totale, tout en folie, prédilections et fiction. A chaque ligne lue, Thomas y voit un reflet de sa vie présente, de ses pensées, de son passé voire de son avenir. Lui même est pris dans cette folie, un temps poétique, un temps réaliste, un temps hallucinatoire.

Le mystère, l’explication à tout cela, plane bien sur au-dessus du lecteur, mais lui aussi est quand même entraîné dans le délire de Thomas et d’Alberg. Un nouveau personnage vient en plus ajouter à ce sentiment : Lucie. Elle est douce, réaliste, un tantinet « british », passionnée et Thomas en tombe instantanément amoureux. Elle aussi, même avec son ancrage dans une réalité un peu frustrante par sa banalité, tombe dans l’interprétation des carnets d’Alberg. Elle y voit la mort de son grand-père et des étrange coïncidences avec un lac qu’elle a visité. Dans ce climat dans lequel elle est avec Thomas, va s’installer une drôle d’histoire d’amour, toujours en décalage avec ce qu’ils lisent d’Alberg et pourtant en lien, car la passion pour ces carnets est l’une des premières choses à les réunir.

Le style ressemble parfois à celui que le lecteur donne à Alberg, fou, sec, vague, dérangeant mais possède aussi la structure classique, la poésie et le puissance. Les drames, heureux comme malheureux, sont racontés de cette manière, donnant du sens à ce qui nous est révélé comme une fiction.

Ainsi, Alberg, tout comme son personnage éponyme, est dérangeant. Dérangeant vis-à-vis de notre réalité mais aussi de celle de tous ses personnages. Ce décalage certain avec les réalités, car il y en a plusieurs montrées à travers quelques personnages et une fin qui tranche avec le reste du récit par sa réalité (légèrement tragi-comique, en plus), nous fait réfléchir sur notre réalité.

Un premier roman hésitant, qui n’est pas toujours allé au fond des choses, mais qui m’incite à suivre l’écrivain dans son monde légèrement décalé mais plein de réalités.

Merci aux éditions de  et à  pour ce roman singulier mais agréable

A propos Constance

Enseignante, j'aime tout autant la littérature ado / jeune adulte que la littérature contemporaine et la bande-dessinée. J'ai souvent tendance à lire des textes écrits en français, mais je fais parfois des incursions vers de la littérature anglophone ou des traductions pour les autres langues.
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8 commentaires pour Alberg de Jacques Tallote

  1. Alice dit :

    Bon je cherchais un blog qui me parle de ce roman bizarre. je l’ai lu deux fois en fait et je suis d’accord avec toi, c’est fou, c’est comme un cauchemar romantique. J’ai aimé, mais je le trouve dérangeant comme tu le dit. Très mystérieux avec une puissance presque magique. D’ailleurs la magie est plusieurs fois présente tu as remarqué ? Tout se passe très vite, le « personnage » de Lutz est glaçant. Avec ça il y a une sorte d’humour détaché. L’écriture est comme quelque chose qu’on éclaire brièvement. Hyperconcentrée et en même temps classique. Vraiment étrange !. A la deuxième lecture, j’ai découvert plein de trucs qui me font dire que la construction est très précise. Une sorte de piège. Je ne suis pas aussi sûre que toi que la fin est réelle…

    • constance93 dit :

      oui, c’est vrai pour la magie. j’aime bien ton expression « cauchemar romantique », c’est très poétique 😉
      Pour la construction, oui, je suis d’accord, le lecteur comme Thomas s’embourbe progressivement dans un piège…
      Mais j’ai trouvé la fin bien plus réelle que le reste du récit (je ne parle pas de l’accident mais de la toute fin quand les personnages raisonnent (presque) clairement) !
      Merci dans tous cas pour ton témoignage plus qu’intéressant =D

  2. esmeraldae dit :

    je l’ai reçu par BOB aussi, une très bonne lecture. c’est bien de voir la manière dont tu l’as perçu!

  3. yspaddaden dit :

    J’ai bien envie de lire ce livre, si j’ai bien compris, il y a un jeu entre réalité et fiction et ce mélange me plait bien.

    • constance93 dit :

      oui, c’est un peu près ça. un peu psychédélique… 😉 il me semble avoir compris que ce récit joue de l’influence de la fiction sur celui qui la reçoit (en l’occurrence, tous les lecteurs, Thomas, le personnage principal, comme nous). Mais je n’en suis vraiment pas sûre parce que le jeu est bien mené justement =S

  4. valérie dit :

    Rien à voir avec ton billet mais surveille ta boîte à lettres, je crois qu’Harry part de Nantes très bientôt pour arriver chez toi. Je vois que tu lis Belle du Seigneur que je me suis promis de lire cette année. Peux tu me dire en deux mots si tu aimes?

    • constance93 dit :

      Merci =D j’ai hâte de m’y plonger !
      Belle du seigneur, pour l’instant je n’ai lu qu’une dizaine de pages, je le lis entre deux livres, 1000 pages d’un coup c’est dur ! mais j’aime beaucoup l’écriture que je trouve très poétique (« immobile forêt d’antique effroi », « visage impassible couronné de ténèbres désordonnées ») et on part très vite dans les brouillons d’un écrivain écrivant son autobiographie, c’est assez drôle… j’en dirais surement plus quand je l’aurais fini, dans deux mois je pense.
      Enfin, j’aime bien, pour ne dire que deux mots ^^

    • constance93 dit :

      je viens de le recevoir. Je finis le jeunesse en cours et enchaîne tout de suite après =D

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