Le diable dévot de Libar M. Fofana

Religion et prostitution

Avec Le Diable Dévot, son dernier ouvrage Libar M. Fofana signe une œuvre engagée et émouvante. Son récit est parfaitement orchestré, de la citation de Pierre Reverdy « il ne faut pas oublier que religieux n’est pas plus synonyme de saint que soldat ne l’est de héros » en paratexte aux derniers mots du récit. L’intrigue qui se place entre les deux est également bien menée : à travers l’histoire d’Héra, une fille d’Imam aveuglé par sa foi et son arrogance, nous passons de l’horreur la plus totale à une passion amoureuse tortueuse et douce.

Comme nous pouvions nous y attendre, le fanatisme en prend un coup : toute la misère d’une jeune fille de quatorze ans semble provenir du fanatisme de son père. L’homme sans valeurs est lui aussi bafoué : si son père n’hésite pas à lui faire subir les pires humiliations et les pires douleurs pour qu’elle reste vierge, l’homme à qui il la confie pour qu’elle aille travailler à la ville et gagner de l’argent est un proxénète qui trouve le moyen de l’utiliser dans son commerce et de ne pas la rétribuer. Les mots pour dénoncer ces deux catégories d’homme mais également l’avarice, la fourberie ou la pauvreté ambiante sont forts, surtout dans la première partie du roman.

L’orchestration du récit est parfaite : elle pose bien le statut de chacun des personnages qui semblent tous « sortir du cadre », avoir un passé derrière eux et une histoire bien à eux digne d’être racontée. Héra est au centre, elle, la jeune fille trop jeune malmenée par la vie, et autour d’elle gravite Galouwa, son père d’imam, Bouna le proxénète, Garangué le cordonnier, Maciré son amie prostituée et ses enfants et enfin Morlaye. Chacun apparaît à différents moments du récit et de l’évolution de Héra et vient donner un nouveau souffle à l’intrigue.

Ce récit à la fois choquant et révoltant sonne donc comme un majestueux roman engagé  contre le fanatisme. Seulement, toutes les mélodies ne plaisent pas et nous sommes alors à l’affut du moindre défaut. Ainsi, nous allons trouver la transition de l’horreur à la mièvrerie trop rapide, ou alors on pourra penser que le style n’est pas tout à fait abouti… Bref, quelque chose gênera et nous empêchera de dire que ce roman est grandiose et parfaitement réussi. Mais il y a du talent derrière, même si ce talent ne touche pas tout le monde.

Le Diable Dévot

de Libar M. Fofana

éditions Gallimard

5 Janvier 2010

A propos Constance

Enseignante, j'aime tout autant la littérature ado / jeune adulte que la littérature contemporaine et la bande-dessinée. J'ai souvent tendance à lire des textes écrits en français, mais je fais parfois des incursions vers de la littérature anglophone ou des traductions pour les autres langues.
Cet article, publié dans 3 partagés, est tagué , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

3 commentaires pour Le diable dévot de Libar M. Fofana

  1. Ping : Bilan du prix Ouest-France/Etonnants Voyageurs | petites lectures entre amis

  2. Ping : Mon festival Etonnants Voyageurs | petites lectures entre amis

  3. le Merydien dit :

    Vrai que ce n’est pas le meilleur roman africain de l’année 2009, mais je l’avais aussi beaucoup aimé. Tente Scholastique Mukasonga dans la même collection, le sujet est le Rwanda, mais il n’y a pas le coté sanglant des livres de Hatzfeld.

Laisser un commentaire