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Traversée du XXe siècle
Antoine et Isabelle, dernier roman de Vincent Borel, retrace la vie des deux grand-parents de l’auteur, de leur arrivée à Barcelone au début du XXe siècle à leur naturalisation française à la fin du même siècle. Récit chronologique traversant tout le siècle passé, le livre semble jongler entre le roman et la réalité.
Il peut en effet apparaître au début comme un récit de la vie de ses deux grand-parents, Antonio et Isabel Vives. Mais un autre destin, celui de la famille Gillet, l’opposée de celle d’Antoine et Isabelle, vient contrebalancer l’intimité du récit familial. Celle-ci est composé d’industriels lyonnais enrichis par les conflits mondiaux et dans l’air du temps : capitalistes, collaborateurs, ouvert aux échanges économiques internationaux et reconverti dans la chimie. Ils ont tous existé, mais par les relations ténues qui sont faites entre eux dans le roman, ils sont romancés. Nous ne sommes plus dans la réalité pure.
A l’aube du XXIe siècle, dans le prologue, ce sont leurs héritiers, mi-fictifs, mi-réels, qui parlent : l’un, Florian, a des propos négationnistes, tandis que l’autre évoque son grand-père déporté à Mathausen. L’occasion pour cet homme de réécrire l’histoire de son grand-père pour lutter contre l’oubli. Un travail qui lui pendra presque dix ans, comme le souligne les dernières pages du livre, dans lequel le narrateur du début reprend la parole pour clore le récit.
Le coeur du récit s’alterne entre l’histoire des deux familles, très claire, très ordonnée, toujours chronologique. On traverse le XXe siècle comme on aurait pu traverser n’importe quel siècle : sans vagues, sans doutes, sans remises en question de la réalité. Vincent Borel, à travers l’histoire de son grand-père et celle d’industriels lyonnais, retrace l’histoire chaotique dans une clarté époustouflante. Les deux « mondes » reflètent une réalité, sans l’embellir mais en la rendant tout de même passionnante, peut-être grâce aux liens ténus et à peine visibles entre les deux familles (la peur de ce que chacune représente pour l’autre : le communisme et le capitalisme, la puissance du peuple et la puissance de l’argent ; les échos d’une histoire chez l’autre, de la montée de la République en Espagne à la production de Zyklon B pour le camp de Mathausen dans lequel Antoine est incarcéré…).
On est gêné cependant face à cette clarté. Tout est-il aussi simple ? Peut-on traverser le XXe siècle sans montrer les questions, les chocs, les changements qui s’y sont opérés, non pas à l’extérieur, mais dans la conscience collective ? Dans Antoine et Isabelle, il manque cette incertitude, si présente dans notre vision du XXe siècle.
L’autre manque est celui du travail d’écriture. Tant dans la construction du récit que dans le style d’écriture, il manque une recherche, un travail plus poussé. Les descriptions des lieux sont sûrement très fidèles à la réalité, de même que les évènements historiques s’enchaînent dans un ordre parfait, sans anachronisme, mais les personnages manquent d’une certaine profondeur. Et, bien que le récit soit clair et ordonné et que la langue soit belle et simple, le lecteur reste en marge. Vincent Borel ne lui a pas laissé de place dans son grand récit et ses doutes face au passé sont ignorés, totalement absents du paysage.
Dommage…
Antoine et Isabelle
de Vincent Borel
ed Sabine Wespieser
23 Août 2010
Je vois que nos avis se rejoignent… Manque de profondeur pour toi, des personnages en 2D pour moi… C’est vrai, on lit ce livre mais on reste en dehors, un peu comme si on lisait un manuel d’histoire…
un manuel d’histoire qui passe tout de même par la petite histoire pour nous conter la grande. c’est méritant, certes, mais pas assez : nos avis se rejoignent. je file mieux découvrir ça en lisant l’intégralité de ton billet (que je n’ai pas voulu lire avant, de peur d’être influencée)
arg, j’ai beau chercher, je ne trouve pas ton billet sur Antoine et Isabelle… 😦
Il est là : http://skriban.wordpress.com/2010/07/06/antoine-et-isabelle/
Je m’efforce pourtant de faire une liste de mes lectures… Dans le bandeau, en haut… 😉
je n’avais pas penser à regarder en haut (juste dans la colonne de gauche et dans les articles publiés…). pourtant j’ai la même sur mon blog ! ^^
je retiendrai la prochaine fois 😉
(merci)
Ah… dommage, ce livre m’attirait. Maintenant, je n’ai plus trop envie de m’y plonger… J’attendrai un prochain billet… 🙂
mon avis ne doit pas te démotiver ! si tu as envie de le lire, vas-y pour te faire ta propre idée de lui. moi, j’ai été franchement déçue et je le montre dans mon billet, mais ce n’est pas dit que tout le monde soit dans le même cas 😛
enfin bon, si je t’ai vraiment démotivée, mieux vaut en effet que tu attendes 😉
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